novembre 1, 2024
Comme on recense plus de 800 langues dans toute la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG), la traduction de la Bible est la priorité absolue pour la Société biblique de Papouasie-Nouvelle-Guinée (SBPNG). Mais il ne faut pas oublier que les traductions progressent grâce au sacrifice d’un ensemble de traducteurs bibliques dévoués, qui sont dispersés dans les régions les plus reculées du pays.
Des dizaines de traducteurs se consacrent actuellement à 10 projets en cours à travers les provinces isolées de la PNG, se livrant à un travail qui a commencé il y a des décennies, et parfois même un siècle, pour apporter la Parole de Dieu aux ethnies autochtones. Souvent basés dans des zones reculées, les traducteurs doivent surmonter de nombreuses difficultés, notamment l’absence de connexion Internet, le manque d’électricité, une géographie inhospitalière, les violences tribales ou l’absence de services de santé fiables.
Le simple fait de se rendre au récent Atelier de formation de traducteurs bibliques à Port Moresby, la capitale de la PNG, a représenté un effort colossal. Les membres de l’équipe de traduction en pa ont ainsi dû faire plusieurs jours de voyage, notamment trois jours de marche à travers la forêt tropicale pour atteindre une petite ville dotée d’une piste permettant à un petit avion de décoller et d’effectuer un vol de 60 minutes afin de rejoindre la capitale.
Même ceux qui n’ont pas eu à effectuer plusieurs jours de marche ont eu un voyage éprouvant. Bowali, de l’équipe de traduction en gogodala, a dû acheter un bidon d’essence pour remplir le réservoir d’une petite embarcation afin de pouvoir s’aventurer sur la rivière Fly pendant plusieurs jours avant d’arriver à Port Moresby. John, de l’équipe de traduction de Yuna, doit marcher pendant 6 à 7 heures pour atteindre la ville la plus proche, suffisamment grande pour qu’il puisse prendre un vol à destination de Port Moresby.
Il est de notoriété publique que l’approvisionnement en électricité est peu fiable en PNG, les hautes montagnes et la densité de la forêt rendant difficile et coûteux l’installation et l’entretien d’un réseau fonctionnel. Comme ils travaillant sur des ordinateurs portables, les traducteurs bibliques doivent donc trouver des moyens leur permettant de poursuivre leur travail malgré les coupures et les pannes fréquentes.
« Notre réseau électrique nous pose des problèmes. Il n’est pas fiable. Quand nous nous retrouvons sans électricité, nous allons dans les magasins chinois pour recharger nos ordinateurs portables et cela nous coûte 2 kinas pour recharger notre batterie à partir de leur groupe électrogène », explique Maimiya.
En plus des problèmes d’électricité, la connexion à Internet complique l’envoi et la réception des traductions bibliques mises à jour dans ParaText, le logiciel utilisé par ces traducteurs pour accomplir leur travail. John, qui travaille sur le chantier de traduction en yuna sur les hauts-plateaux de la PNG, est en permanence confronté aux difficultés que pose le paysage accidenté et escarpé en matière d’accès à Internet.
« Il n’y a pas de couverture [Internet], explique John. Je peux utiliser mon téléphone, mais pas Internet. Pour la traduction, j’utilise la plupart du temps un modem sans fil. Mais cela arrive qu’à cause de la saison des pluies et des affrontements [tribaux] ils coupent le relais.
« Le réseau peut être indisponible pendant une semaine, voire un mois. S’il faut des mois pour remettre le relais en marche, je dois alors monter à pied dans la montagne pour atteindre le relais le plus proche. Il faut compter 4 à 5 heures pour l’ascension et ensuite 3 à 4 heures pour la redescente. Cela fait donc 7 à 8 heures aller-retour. »
Les traducteurs bibliques sont restés fidèles à leur travail, même lorsqu’ils ont été confrontés à certaines des plus grandes épreuves qu’on puisse connaître : le décès d’une épouse et d’un enfant. Maimiya est membre de l’équipe de traduction en gogodala, basée dans le district de Middle Fly, dans la province de l’Ouest, et son dévouement à son travail de traduction de la Bible est resté intact même lorsqu’il s’est retrouvé confronté à ces événements dévastateurs :
« J’ai été touché par des épreuves personnelles au sein même de ma famille, rappelle Maimiya. Je suis marié et j’ai quatre enfants – deux garçons et deux filles. Quand j’ai démarré mon travail de traduction, ma femme est tombée malade et son état s’est rapidement détérioré. Et en 2017, elle est décédée.
« Les enfants étaient très jeunes quand elle est tombée malade et qu’elle est morte. Ils ont été pris en charge par des membres de ma famille, qui ont été bons et fidèles. Ils les ont élevés pendant que je faisais mon travail de traduction.
« Mais quand j’ai commencé à effectuer mon travail de traduction, j’ai rencontré des problèmes. Nous avons dû nous débrouiller et nous démener pour obtenir une forme de soutien de la part de notre entourage.
« Comme mes enfants grandissaient, j’ai commencé à les responsabiliser. Je leur disais : “Quand vous irez à l’école, vous devrez avoir pour objectif d’obtenir un emploi de façon à pouvoir m’aider à accomplir ce travail.”
« Ma deuxième fille a été acceptée à l’université. Elle a suivi une formation de trois ans. Et, après avoir obtenu son diplôme, elle est revenue et a enseigné pendant un an dans notre école. Et puis, soudain, j’ai à nouveau vécu une épreuve terrible : elle est tombée malade en 2023 – en janvier et février 2023.
« Elle a été admise au centre hospitalier de la province du Golfe et elle est décédée. L’année dernière, en février 2023. Voilà donc les difficultés et les épreuves auxquelles j’ai dû faire face. »
John, qui travaille sur le chantier de traduction en yuna sur les hauts-plateaux, a reçu un appel qu’il attendait depuis 2010, l’invitant à se rendre à Port Moresby pour que les responsables de la Société biblique l’intègrent dans l’équipe de traduction en yuna. En chemin, il a été attaqué par un groupe de jeunes gens qui l’ont pris pour quelqu’un qui transportait probablement de l’argent – alors qu’il voyageait simplement avec l’ordinateur portable utilisé pour la traduction de la Bible.
« En 2010, quelqu’un a téléphoné alors que j’étais en train de faire cours en classe. C’était un appel [de la Société biblique] donc il n’y avait pas de temps à perdre. Dès le jeudi après-midi, j’ai quitté Pori, à pied. J’ai marché pendant au moins trois heures et j’étais presque arrivé à la grande route la plus proche.
« J’ai donc continué à marcher. Mais à quelques mètres de la grande route, j’ai été agressé à coups de machette. C’était horrible ! Je me suis retrouvé face à deux jeunes garçons. Ils pensaient que je transportais de l’argent ou quelque chose comme ça, donc ils voulaient me dépouiller.
« J’ai hésité, je n’ai pas cédé. J’ai résisté. Comme ils voyaient que je me défendais, ils m’ont donné des coups de machette pour pouvoir me voler ma sacoche. De cet endroit jusqu’à chez mon ami, il m’a fallu marcher pendant près d’une demi-heure alors que je saignais. Jusqu’à ce que j’atteigne la maison de mon ami et que je le trouve.
« Il m’a emmené au centre hospitalier de Tari. C’était vendredi soir et j’y suis resté toute la journée du samedi. Le dimanche, je suis ressorti. Les habitants du village [près de l’endroit où je m’étais fait agresser] – les chefs, le conseil et les villageois – ont retrouvé ceux qui avaient volé ma sacoche. Ils me l’ont donc rapportée. Alors je leur ai dit : “Je ne veux pas avoir d’histoires avec vous. Certes, j’ai reçu ce coup de machette, mais je préfère en rester là.”
« J’ai tout récupéré, on m’a rendu ma sacoche et j’ai [repris ma route]. Quand j’ai atteint Port Moresby, j’avais un bandage et j’étais tailladé de partout. Au bout de deux semaines, j’ai commencé le travail de traduction. A partir de ce moment-là, je n’ai plus travaillé à l’extérieur : ni dans le privé, ni dans la fonction publique. Je me consacrais à la traduction – à la traduction et à l’enseignement à l’institut biblique. A partir de 2012 jusqu’à aujourd’hui. »
Au vu d’épreuves et de difficultés aussi graves, d’aucuns pourraient estimer légitime de se demander pourquoi les traducteurs restent à ce point déterminés à traduire la Parole de Dieu – alors même qu’ils sont confrontés à la mort, à la douleur et à la souffrance. Mais ils sont les premiers à dire à quel point leur vie a été transformée et combien ils ont été bénis par leur travail de traduction biblique :
« J’étais “dans le monde” et je ne me comportais pas correctement, a raconté Anton, membre de l’équipe de traduction en molima. Je me suis donc dit que je ferais mieux de rejoindre ces gens quand Joel [le secrétaire général de la SBPNG] m’a proposé de participer à la traduction. […] Quand je me suis mis à traduire la Parole de Dieu, cela a commencé à changer ma vie et, à partir de là, j’ai agi autrement.
« Je me suis dit que si je continuais à vivre à l’extérieur [et dans le monde], je ne ferais rien de bien. J’ai vu Joel et les autres traduire la Parole ; alors j’ai dit : “Est-ce que je peux venir me joindre à vous pour traduire ?” Et Joël m’a répondu que je pouvais venir. J’ai donc rejoint leur équipe. »
Les traducteurs bibliques sont motivés et désirent achever leur travail afin que leur ethnie ait la possibilité de lire la Parole de Dieu. Maimiya nous a fait part de ses motivations :
« Je considère que la traduction de la Bible est vraiment importante et même vitale. Quand je lis Romains – chapitre 10, à partir du verset 14. C’est le passage qui dit : “Comment peut-on entendre la Parole de Dieu si elle n’est pas prêchée ?” Quand je vois ce passage, je le lis comme voulant dire : comment peut-on entendre la Parole de Dieu si elle n’est pas traduite dans notre langue maternelle à nous ? Quand elle est traduite dans la langue maternelle de quelqu’un, il peut très facilement découvrir [Dieu]. »